Ça y est ! C'est la fin de ces boîtes en verre et aluminium qui nous ont tant rendu service pendant des décennies avant d'être fatalement détrônées par la téléphonie mobile. Ah bon, vous ne vous en êtes pas rendu compte ? Mais oui, ce sont celles que personne ne voit jusqu'à ce qu'elles ne soient plus là.
En mars 2014, j'ai fait mes premières images d'une cabine téléphonique complètement délabrée, me disant qu'elle allait bientôt disparaître ainsi que toutes les autres. Un sujet qu'à l'époque j'avais trouvé anecdotique, jusqu'à ce que je décide de reprendre ce travail. Et pourquoi ne pas rendre hommage à ces machines qui nous ont tant aidés ? J'ai repris le sujet en novembre 2015 durant un temps et puis à nouveau récemment en novembre 2016. Toujours en novembre comme si les mois d'automne, avec le froid qui commence à s'incruster dans les os, la grisaille qui pèse sur la tête, me conduisait vers des regards nostalgiques, voire mélancoliques sur le monde qui m'entoure.
J'ai constaté que la plupart des cabines que j'avais prises en photo un an auparavant avaient déjà disparu. C'est alors que j'ai consulté sur Internet et j'ai trouvé plusieurs articles, dont un sur lepoint.fr datant du 20 avril 2014 et un autre sur ladepeche.fr le 16 août 2016. En résumé, les cabines téléphoniques auront disparu complètement du panorama français pour la fin 2017 et cela en raison d'un amendement de la loi Macron. Grâce à cet amendement, Orange (ex-France Télécom) n'était plus obligé d'assurer un réseau téléphonique fixe pour les villes de plus de 1000 habitants. Dorénavant, Orange pourra consacrer ses finances à autre chose qu'à entretenir et réparer des vieilles cabines téléphoniques laissées à l’abandon, parfois vandalisées et qui n'avaient plus d'usagers.
Il est vrai qu'elles ne sont pas très belles, les cabines, pas autant que celles de Londres. Mais elles sont surtout fonctionnelles et ont fini par se fondre dans notre quotidien comme un mobilier nécessaire du paysage urbain, au point qu'on ne les voyait plus. " La banalité passe inaperçue jusqu'à ce qu'elle disparaisse", disait Coperniko de Panacotta.
De mon côté, j'ai décidé de leur faire un dernier hommage avant leur disparition définitive, snif, snif, snif !
Ah oui, elles ont marqué ma jeunesse, ces cabines. Quand j'étais ado, encore en Espagne, je n'avais pas de téléphone portable comme les jeunes d'aujourd'hui. Elles m'ont rendu bien des services, ces cabines. Appeler les copains, les petites conquêtes, ou pour prévenir les parents que j'allais arriver en retard lorsque j'étais de sortie avec les potes.
Combien sommes-nous à les avoir utilisées comme une antenne de notre bureau ? Combien de rendez-vous pris ? Combien d'urgences résolues grâce à ces cabines maintenant bonnes pour le recyclage ? Elles ont été très pratiques, ces cabines, faisant d'elles des endroits pour tout usage. Pour se protéger de la pluie les jours de mauvais temps ; d'autres utilisaient la petite « étagère » pour manger leur hamburger et siroter leur cola, à couvert ; certains pour se droguer ou pour soulager des excès physiologiques ; et d'autres enfin, pour partager avec les passants ahuris des choses intimes que l'on ne peut faire qu'à deux. Les cabines téléphoniques, conçues au départ comme des moyens de communication, ont fini par être détournées en supports d'expression pour des tags et des affiches publicitaires. Les verres des cabines ont perdu leur transparence avec le temps : l'usage quotidien, les aléas météorologiques, le collage des affiches, etc. Puis le vandalisme de certains éméchés les rend à nouveau transparentes. Je me rappelle aussi quand j'étais enfant d'avoir vu Clark Kent utiliser une cabine téléphonique pour se changer et devenir notre grand Superman. Aussi, je me rappelle, que j'avais été impressionné après avoir vu le film espagnol « La cabina » de Antonio Mercer, (regarder ici) qui raconte l'histoire d'un homme qui reste enfermé à l'intérieur d'une cabine devant les yeux moqueurs des passants. Elles sont fantastiques, ces cabines !
Dans ma démarche je me suis limité aux cabines téléphoniques de la ville de Lille, et j'ai pu en prendre 21 en photo. Depuis, certaines d'entre elles ont disparu déjà, et celles qui restent vont bientôt être retirées. Ces cabines ont une histoire, elles ont vu et entendu bien des choses. Elles sont gardiennes de grands secrets et chacune d'entre elles a des choses à nous raconter. Il suffit peut-être de leur consacrer un peu de temps, pour qu'elles nous livrent un peu de leur mystère. Et c'est ce à quoi j'ai essayé de m’employer.
Allô ! Ça sonne occupé !
Portraits urbains des cabines téléphoniques
© by LASZLHO - 2014